
Benaissa El Haiba,
puisque c’est de lui qu’il s’agit, fait partie d’une génération au Maroc qui a
vécu deux clivages importants, accompagnés de bouleversements conséquents aussi
bien économiques que sociaux.
Né à l’aube du premier clivage de l’indépendance, à un
moment où le pays se reconstitue et se relève de la grande léthargie du
colonialisme, naquit et grandi avec les espoirs d’une jeunesse livrée à
elle-même où nos parents, pour la plupart des illettrés, nous guidaient par le
bon sens et par plus de cœur que de raison, Ben, se forgea une
personnalité à un âge précoce.
Lors du deuxième clivage de la marche verte et comme la
plupart de ses contemporains, dont nous faisions le compte, il s’était déjà
pris en charge tout seul, et l’âge de l’adolescence étant ainsi réduit, il
chercha derechef, à s’extirper du carcan familial, par tous les moyens pour
se retrouver ainsi libre de ses
faits et actes.
Après l’institut, nous nous retrouvâmes à nouveau au laboratoire du
quartier Lyoussoufia où la grande aventure allait commencer. Chacun de
son côté allait percer dans un domaine spécifique et Benaissa en
particulier avait un esprit de scientifique aguerri, qui ne se suffisait pas de
petites explications à la volée et sans fondements. Je me rappelai, qu’il me
répétait souvent, quand on faisait nos premiers pas dans l’utilisation de
certains appareils de mesure que c’était une opportunité à ne pas rater, il
disait, c’est l’occasion « d’apprendre la coiffure sur la tête d’un
chauve ».
Il était convaincu que le meilleur moyen de s’améliorer était de
continuer ses études. Il eut ainsi son baccalauréat en candidat libre au
premier essai et eu plusieurs opportunités de faire des formations
d’ingénieurs, tantôt au Maroc, tantôt à l’étranger. Mais aucune ne s’est
concrétisée, jusqu’au jour où il s’envola pour l’Allemagne, pour une formation
longue durée en assainissement liquide.
Au fil des années, Ben était devenu incontournable en
assainissement si bien qu'il en fit son domaine de prédilection, qui ajouté à son back
grounds en traitement des eaux, faisaient de lui une référence reconnue par ses
pairs partout au Maroc.
Pour l’anecdote, aux alentours des années 80, depuis son
intervention avec le Dr Abouzaid lors de l’apparition du
manganèse dans les sédiments de la retenue à El Hoceima, Il avait
eu l’étiquette de spécialiste du traitement du manganèse. Curieusement, ce
versatile élément allait le narguer, un jour dans la station de traitement de Smir.
Je dirai que Ben, ce jour-là, fut sauver
par le gong et par la voix divine, qu’il appellerait lui le sixième sens, car
nous étions ensembles à Tétouan, dans une chambre de passage, on s’apprêtait à
dormir vers minuit, quand soudain, Ben se releva et sans piper mot se mit à
enfiler son pantalon. Interloqué par son geste furtif et rapide, je me
retournai vers lui pour savoir de quoi il retournait. Il me regarda d’un air
inquiet et me dit : « Je pars tout de suite à Smir, je sens
qu’il se trame quelques choses au niveau de la station ». Arrivés tous les
deux en trombe à la station de traitement, nous découvrîmes que Ben avait vu
juste et qu’un désastre était en train de se produire, car un ouvrier en inversant,
l’injection du permanganate avec le coagulant
avait rompu la chaine de coagulation du dioxyde manganeux qui prenait
tranquillement son chemin vers les filtres. L’eau commençait déjà à rosir au
niveau des ouvrages et il aurait suffi d’une autre petite heure de retard pour
subir immanquablement l’une des plus grandes catastrophes dans les annales de
l’ONEP, en matière de traitement des eaux. Benaissa, dans le feu de l’action, n’a
pas frémi un seul instant, et étala devant ceux qui ne le connaissaient pas,
son savoir-faire et son expertise pour rétablir la situation, sans que les
abonnées de M’diq, parmi lesquels on comptait justement, le Directeur Général
de l’ONEP et plusieurs ministres du moment,
ne ressentent la moindre gêne en qualité ou en quantité de l’eau
desservie. Ce fut un coup de maitre auquel, j’ai assisté avec admiration, et
qui aura coûté à Aarab une nuit blanche
et quelques millilitres de sueurs froides.
Moult expériences de ce genre dont la liste est longue, ont fait de
lui un expert métier, un pur produit de l’office, si bien que l’on s’aperçut un
jour au démarrage de la STEP Pilote à l’ONEP, que c’était l’unique
personne idoine pour le poste de responsable.
Ce n’était que justice rendue pour ce baroudeur et bosseur invétéré. L’autre facette et non des moindres où Aarab
excellait, était la formation. Eh Oui, Ben,
ayant le vent en poupe et le site
adéquat s’en est donné à cœur joie, et se perfectionna dans l’art de véhiculer
l’information, si bien que sa renommée dépassa largement les frontières
nationales.
Je ne voudrai pas m’allonger davantage, sur les réalisations
fabuleuses réalisées par notre ami Aarab, car je voudrais réserver, une
partie de cet écrit, pour parler de l’homme commun et non plus du personnage.
En dehors du boulot, plus jovial que lui, je ne l’ai jamais connu,
plus pacifique non plus. Pas une seule fois, depuis notre jeune âge, alors
qu’on déambulait comme tout un chacun dans les boulevards, je ne l’ai vu fermer
le poing, en signe d’énervement, que dis-je, même pas de chiquenaude, ni de
pichenette envers son prochain.
En fait derrière son charisme, sa prestance et son allure, se cache
un cœur tendre, un homme de dialogue et de négociation. Il soupesait, toujours,
les personnes au regard de leur capacité à discuter, à argumenter leur thèse
sans aucun emportement et non pas à leur position sociale ou rang hiérarchique.
Benaissa est également
quelqu’un de très organisé, bon
gestionnaire de son quotidien, très réaliste, bon vivant mais très sage. Jamais
je ne l’ai vu dépasser ses limites. Il aime le grand air et le bord de mer.
C’est un fin gourmet et un cuistot insoupçonné.
Mon frère, mon ami, je ne
sais si j’ai pu, en malmenant le verbe, plus ou moins bien, exprimer ce que je
pense de toi, sachant que ce que tu as fait, je n’ai guère la prétention d’en relater
l’exhaustivité.
Tout simplement, tu es
unique, irremplaçable et je doute fort que des personnes de ta trempe puisse
encore voir le jour dans ce domaine.
Je te souhaite une longue vie, pleine de succès, pleine de voyages
en plein air, tels que tu en raffoles, puisses-tu atteindre les objectifs que
tu t’es tracés pour toi et les tiens Inchhaallah.
Win
pour Ben Salah ABDELMOUMENE
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