Alors que l’année 79 tirait ses dernières cartouches, je venais
d’arriver au laboratoire, de retour d’une mission de Tétouan et je me dirigeais
vers la salle des réunions qui était au fond du bâtiment. C’était un 22, jour
de paie et c’est là que le caissier
installait ses quartiers chaque circonvolution mensuelle pour nous
distribuer quelques menues pièces
sonantes et trébuchantes qui nous faisaient subsister.
Au retour de la salle de réunion, je voyais arriver en
sens inverse, à l’autre bout du couloir, un jeune homme, cravaté, très présentable,
l’air aguerri marchant d’un pas accéléré qui s’apprêtait à pénétrer dans la
salle de chimie. Il me fit un signe de la tête et s’engouffra dans la salle de
chimie.
Une fois dans la
salle de traitement où j’élisais domicile en ces temps là, je retrouve mon
collègue EL HAIBA au fond de la salle qui s’évertuait à faire marcher un
appareil de dosage du mercure, qui lui causait le pire des ennuis. Une bille,
souffrant de tremblote, qui devait
réguler l’arrivée des gaz n’arrêtait pas de le narguer, à tel point qu’il leva
le drapeau blanc, se rendit sans
résistance et ferma les gaz auxquels était assujettie la pauvre sphère
désemparée.
BEN me mit alors
au parfum et assouvit tout de go ma curiosité en m’informant que la personne
que je venais de croiser était un jeune diplômé
fraichement sorti d’une école de France qui venait de prendre du service comme
ingénieur de laboratoire. C’était Si OUTAIR et c’était bien un 22/11/79.
Si ABDELOUAHD fut installé dans le même bureau que Feu
TOUNSI et fut affecté en salle de chimie en raison de son Diplôme d’Etudes
Approfondies à l’Ecole Nationale Supérieure de Chimie de Toulouse. En 1981 il eut
comme première responsabilité de s’occuper de la « surveillance » au
lieu et à la place de Si FOUTLANE qui était en ce moment là en formation longue
durée. Il s’occupa également en sus de
ses fonctions du parc auto du laboratoire qui jusque là était du ressort de Si
GUENDOUZ.
En 1983, il eut sa première nomination au rang de Chef de
Service Surveillance et Traitement des Eaux. Je me rappelle, à ce moment là,
alors que je démissionnais de mon poste pour raison familiale que Si OUTAIR
était pratiquement la seule personne à avoir essayée de me convaincre de
rester.
Depuis, bien de l’eau a coulé sous les ponts et Si OUTAIR
fut promu au rang de chef de division surveillance et traitement des eaux en
89, ensuite comme chef de division Contrôle du Système d’Alimentation en 92
avant de léguer définitivement la surveillance à Mme LARAKI et reprendre la
traitement des eaux qu’il n’a plus quitté jusqu’à nos jour.
L’un des plus gros dossiers qu’il a initié et maintenu contre vents et marées fut celui de
l’organisation de la surveillance de la qualité des eaux durant la
quasi-totalité de sa carrière.
Le deuxième gros dossier et non des moindres est celui de
la coordination des travaux du projet de Protection des ressources en eau
potable réalisé avec la GTZ entre 93 et 2001
Ensuite le dossier immense, délicat et qui apeurait tout
le monde, celui de la décentralisation de la fonction qualité et là j’y étais
en plein dedans, pour attester que même une demi journée de palabres ne
suffirait pas à étaler les innombrables sacrifices consentis par Si ABDELOUAHD
et ses collaborateurs pour maintenir cet iceberg à un niveau de flottaison
acceptable.
D’ailleurs depuis 2005 avec l’arrivée de si BENALI et
plus tard SI EL MRHARY, on se rendit à l’évidence et la cause était entendue
pour reconnaître que la décentralisation de la fonction qualité et le suivi
régional étaient des processus transverses qui nécessitaient les efforts
conjugués de toutes les entités de DCE et non plus l’affaire d’une seule entité.
Les résultats comme vous le savez ne se sont pas fait attendre à la grande joie
de tout le monde.
Par ailleurs, Si Abdelouahd, du fait de son rang et ses
attributions, était automatiquement concerné par tout ce qui touchait de prêt
ou de loin à la qualité des eaux de boisson desservie par nos centres
d’intervention et même par nos clients détaillants. Les renforcements
conjoncturels n’étaient pas en reste et si ABDELOUAHD était toujours sur les
premières lignes, je cite pour mémoire l’affaire du manganèse à EL HOCEIMA, les
visites royales dans les provinces du sud, notamment celle de 1985 qui lui a
valu une peur bleue que je vous raconterais
à la fin pour clore ce texte sur une touche peu commune, enfin le transport
par bateau citerne etc…
Pour ma part, à
mon retour de M’RIRT en 93, et en témoignage je découvre le faciès de cet
homme, d’abord par personne interposée, par le biais d’une collègue également
très appréciée : Mme BENBRAHIM pendant 9 ans et ensuite, directement
rattaché à lui pendant 3 ans. Si ABDELOUAHD avait beaucoup de qualités de
bienséance, de savoir être, de patience et de capacité d’encaissement que
personne ne peut lui contester.
Sur ce registre, je reconnais avoir appris énormément de
choses avec lui. Combien de fois, il me prodiguait des conseils qui pouvaient
aller de la manière d’améliorer l’écoute et le style administratif des écrits à
la posture à adopter en position assise lors des réunions, jusqu’au port des
cravates qu’il m’offrait de temps à autres pour m’encourager à soigner mon look
et aux nombreuses publications ou livres dont il me gratifiait à chaque fois
qu’il les jugeait intéressants pour moi.
Des fois aussi, il paraissait inflexible et très porté
sur la chose administrative, mais il suffisait de négocier avec lui en lui
démontrant que les intérêts administratifs sont pris en charge et ne sont
nullement affectés pour que derechef, il devienne conciliant.
Je termine donc avec la petite histoire de la peur bleue de
Si OUTAIR.
En 1985, lors d’une visite royale à LAAYOUNE, Si
ABDELOUAHD supervisait le contrôle de la qualité des eaux desservies par
citerne et à ce moment là on utilisait les Kit sur terrain pour faire de la
recherche qualitative des éléments toxiques. Au premier test de recherche
qualitative, le laborantin avise si ABDELOUAHD de la présence d’arsenic et ce
sur les eaux des deux citernes contrôlées. En l’espace d’une minute, si ABDELOUAHD
a vu défilé devant ses yeux les pires scénarii possibles et se voyait déjà entrain
d’expliquer aux autorités une situation inextricable qui sur le moment dépassait son entendement. Il ne savait plus à quel sain se vouer. Il se
calma un peu et entrepris tout de suite
de confirmer le résultat obtenu. Ce fut fait, il y a bien présence d’arsenic.
Si ABDELOUAHD se tint la tête et se retourna, convaincu d’être dans le plus
mauvais jour de sa vie. Mais au dernier moment la providence lui tendit une
perche. Il vit une bouteille d’eau à proximité et eut l’idée de faire une
analyse dessus comme témoin. Ce fut la délivrance pour lui quand il constatât
la présence d’arsenic sur l’eau en bouteille. Ce fut la peur bleue de sa vie qu’il
n’oubliera pas de si tôt
Pour conclure, Je continue à croire que quelque soit les
gallicismes que nous pouvons aligner en de pareilles circonstances, nous ne
pouvons jamais être exhaustifs et véhiculer notre pensée tel que nous
l’espérions.
Je vous prie donc de l’applaudir longuement et vous joindre
à moi pour lui souhaiter une fin de
carrière calme et sereine et une vie
pleine de succès et de réussites pour lui et ses proches.
AMINE YA RAB EL ALAMINE